RELATIONS DANS LA FRATRIE : DISPUTES, CONFLITS ET RIVALITES VERSUS COMPLICITE
Une histoire qui se répète
Quand on a grandi dans une fratrie, on sait qu’avoir des frères et sœurs peut être parfois compliqué. Ils nous piquaient nos affaires, refusaient de jouer avec nous, ou à l’inverse ne nous lâchaient pas d’une semelle, venaient nous chahuter pendant que l’on révisait, nous accusaient pour des bêtises que l’on n’avait pas commises… et inversement.
Devenu parent, on prend conscience de ce que l’on faisait endurer à nos propres parents avec nos disputes fraternelles. Et avec le recul, on en garde des souvenirs plus ou moins marquants. On comprend plus aisément d’où viennent les disputes entre nos enfants. Mais on peut tout de même se retrouver démuni ou exaspéré, comme l’étaient nos parents, devant leurs batailles incessantes, leurs hurlements, leurs insultes réciproques, leurs échanges de regards noirs…On aurait envie pour nos enfants qu’ils partagent au moins la même part de complicité que l’on a connue avec nos frères et sœurs. Et si on n’a pas eu cette chance, on voudrait tout faire pour leur offrir.
Qu’est-ce qu’une fratrie qui s’entend bien ?
La famille parfaite n’existe pas. Les conflits entre frères et sœurs sont inévitables. Cependant, ils ne doivent pas venir troubler l’équilibre du foyer en gâchant tous les bons moments en famille.
On peut partir du principe que les enfants s’entendent bien quand les temps de complicité sont, au moins, aussi nombreux que les temps de conflits. Une sorte de 50-50. Je trouve que l’indicateur suprême est qu’ils arrivent à se manquer respectivement en étant éloignés.
Le bon côté des conflits fraternels
Les disputes dans les fratries sont fréquentes. Cela n’arrive pas que chez vous ! Dans une certaine mesure, elles sont tout à fait normales et contribuent au développement psychique de nos enfants. La rivalité, les conflits et la jalousie font en réalité partie des relations humaines et d’autant plus pour les personnes qui vivent ensemble et partagent leur quotidien. Je dirais même plus, c’est plutôt bon signe ! Cela permet à nos enfants de :
👍 Se confronter aux disputes, aux jalousies
👍 Tester les limites
👍 Chercher les bons mots pour défendre leur point de vie
👍 Apprendre à négocier et à argumenter à partir de l’âge de 7ans
👍 Essayer des stratégies de résolution de conflits
👍 Mettre en pratique des compétences émotionnelles et relationnelles
👍 S’affirmer et gagner confiance en eux
👍 Développer leur personnalité
👍 Développer l’écoute des autres pour mieux les comprendre
👍 Savoir faire des compromis et se réconcilier
👍 Découvrir la tolérance
👍 Améliorer leur patience
👍 Réussir à partager
👍 Apprendre à régler leurs différends
👍 Se socialiser
La fratrie n’est ni plus ni moins que le lieu d’apprentissage privilégié de la vie en société. Même si cela peut nous paraître frustrant, les conflits dans la fratrie font partie de la vie de famille, tout comme les jeux, les câlins, les rires, les activités… En s’exerçant à s’affirmer entre frères et sœurs, nos enfants développent l’assurance nécessaire de se défendre devant les personnes qui voudraient les offenser.
Les principales causes de conflit
Vous le savez bien, tous les prétextes sont bons. « Il a eu 1 nugget de plus que moi », « je veux m’asseoir à côté de maman »… En réalité, l’enfant construit son identité jusqu’à l’adolescence mais à partir de 5 ans il se compare et la jalousie peut alors apparaitre.
Voici les principales sources de disputes ou de rivalité :
👉 Un manque d’attention
👉 La peur de perdre sa place dans la famille
👉 Une obligation de partage. Jusqu’à l’âge de 6 ou 7 ans, notre enfant peut avoir plus de mal à partager ses jouets, son espace ou ses parents
👉 L’ennui
👉 Des divergences d’envies
👉 Des tensions à évacuer
👉 Un sentiment de frustration
👉 Un manque de confiance
👉 La différence d’âge
👉 Les tempéraments différents
👉 Un quelconque sentiment d’injustice. Jusqu’à l’âge de 7 ans, notre enfant a du mal à comprendre les besoins des autres. Son univers est encore très centré sur lui.
👉 Un sentiment de favoritisme
👉 Un sentiment de ne pas être respecté, écouté, compris
👉 L’envie de tester notre amour parental
👉 Les comparaisons.
Certains signes de jalousie doivent nous alerter notamment quand notre enfant fait volontairement des bêtises, devient impatient et/ou agressif, ou boude plus que d’ordinaire.
Pour réussir à bien cohabiter, les enfants manquent de capacités qu’ils vont acquérir au fur et à mesure comme être capables de partager, savoir bien communiquer, maitriser leurs émotions, faire preuve d’empathie, bien gérer les conflits…Ils ont donc besoin de notre soutien car leur estime personnelle est en pleine construction.
Quels sont les pièges à éviter ?
👎 Forcer nos enfants à s’aimer. La création du lien fraternel ne peut pas être forcé et n’est pas obligatoire
👎 Avoir des attentes irréalistes comme celle que nos enfants ne se disputent jamais
👎 Récompenser le rapportage
👎 Intervenir dès qu’un désaccord apparait
👎 Vouloir savoir ce qui s’est passé et qui a commencé. Chaque enfant veut alors donner sa version pour se justifier et se positionne sur la défensive
👎 Vouloir des résultats immédiats et penser que ce que l’on fait ne marche pas
👎 Les comparer. Cela alimente une compétition malsaine
👎 Les inscrire dans des activités où ils risquent de se retrouver en compétition
👎 Prendre parti pour l’un ou l’autre ou défendre systématiquement celui qui s’affirme peu. La « victime » risque d’interpréter notre intervention comme de l’amour alors que l’ « agresseur » peut le prendre comme du rejet. Cela peut générer un sentiment d’injustice voire même des rancœurs au sein de la fratrie et venir alimenter les jalousies.
👎 Demander au plus âgé d’être raisonnable ou responsable du plus jeune. Il pourrait alors ressentir une certaine pression face à nos exigences. Il pourrait même avoir tendance à régresser pour retrouver les privilèges d’être «petit».
👎 Vouloir tout partager de manière égale en faisant abstraction de leurs besoins, de leurs attentes, de leurs goûts et de leur âge
👎 Faire du favoritisme. Cela peut nuire à l’entente dans la fratrie est être dommageable autant pour l’enfant qui croit ne pas répondre à nos attentes que pour l’enfant préféré.
Comment prévenir les conflits et développer la complicité dans la fratrie ?
🗝 Il est primordial d’accepter que chacun de nos enfants soit différent pour que chacun puisse trouver sa place.
Chaque enfant est unique et précieux. Et il en est de même pour les jumeaux, les triplés… Il est donc préférable de valoriser leurs forces en fonction de leur personnalité et de les rassurer sur la place qu’ils occupent dans la famille.

Généralement, à la naissance de notre 2e bébé (et plus), nous manquons de disponibilité pour notre ainé. Il peut avoir du mal à partager ses parents et craindre de perdre sa place. Pour éviter de créer en lui un sentiment de jalousie, on a alors tout intérêt à l’intégrer dans ce changement. On peut :
👉 Lui proposer de participer aux préparatifs de l’arrivée du bébé dans la mesure de ses capacités.
👉 L’aider à se projeter sur les événements à venircomme comprendre comment se passera le départ à la maternité, savoir qui s’occupera de lui en attendant, être informé s’il pourra venir, etc.
👉 L’aider à se représenter la vie avec un bébéen lisant en amont des livres sur la grossesse et les bébés
👉 Le rassurer s’il a des peurs et lui expliquer que l’amour se multiplie et que rien ne lui sera enlevé
👉 Lui proposer des responsabilités qui le valorisent et remplissent son besoin d’utilité. Il peut s’agir de phrases comme « Veux-tu choisir ce qu’elle va porter aujourd’hui ? », « Serais-tu d’accord pour lui lire une histoire ? Elle adore çà. »
🗝 Nous devons au maximum nous ajuster aux besoins de chacun d’eux en fonction de leur personnalité et de leur âge.
Le but est de leur faire comprendre que ce n’est pas parce que nos exigences ne sont pas les mêmes envers eux qu’elles ne sont pas justes. On peut par exemple dire « On ne parle pas de ton frère là. Son cas ne m’intéresse pas ici. On parle de toi et de ce que tu as besoin ».
🗝 Nous avons tout intérêt à surveiller leur état.
Nos enfants ont tendance à se disputer quand ils sont fatigués, quand ils ont faim ou quand ils vivent des émotions fortes. Ils leur manquent des ressources pour réussir à supporter ces contrariétés. Ils peuvent alors devenir irritables voire impulsifs. Si cela se produit régulièrement au même moment de la journée, une des solutions est peut-être d’avancer l’horaire du repas et/ou du coucher.
🗝 Notre rôle est également de nous assurer que nos enfants aient une bonne dose d’activité physique quotidienne.
Cela contribue à apaiser leurs tensions tout en améliorant leur humeur.
🗝 Il est aussi essentiel de passer du temps en privé avec chaque enfant.
Il n’est pas toujours évident de prendre ce temps quand notre quotidien est déjà bien rempli et qu’il nous reste encore une foule de choses à faire. Cela permet pourtant d’accorder à chacun de nos enfants l’attention qu’il recherche et d’éviter de nombreux conflits liés à l’envie de profiter de notre présence. En prenant le temps de jouer 5-10 minutes aux Légos avec l’ainé et de lire une histoire au coucher avec la cadette, chacun y trouve son compte.
🗝 Chaque enfant a besoin d’un espace personnel pour pouvoir s’y réfugier quand il en a envie : au moment d’une crise, après une grosse journée, quand il veut jouer en toute tranquillité.
Il peut s’agir de chambres individuelles quand cela est possible ou d’un fauteuil, de notre lit parental, d’un bureau ou autre. L’idéal est de leur demander en amont de réfléchir au lieu spécifique qui leur permettrait de se calmer ou de se ressourcer.
🗝 On a tout à gagner à cultiver la complicité fraternelle en organisant des activités qui tiennent compte de leurs goûts, de leurs envies ou de leurs centres d’intérêts en commun.
Chaque moment positif passé ensemble leur permet de mieux apprécier la compagnie de leurs frères et sœurs et de renforcer leur complicité.
Pour aller plus loin, on peut même souligner ces bons moments par des petites phrases du genre «Vous avez réussi à faire une tour de Kappla tous les deux ?», «J’aime te voir jouer avec ton frère.» …
🗝 Très tôt, on peut leur suggérer de prendre l’habitude de s’entre aider, se remercier, s’encourager et se féliciter.
On peut même instaurer un petit moment de gratitude en fin de journée ou lors du diner pour que chacun puisse à son tour partager les bons moments, les paroles ou les gestes qu’il a apprécié chez les autres. En complimentant chacun des membres de la famille, on prend davantage conscience des avantages à être aimé et bien entouré.
🗝 Pour éviter les négociations, il peut être pertinent de prévoir des objets et des places attitrés.
Chacun a son placard, son étagère, son bol, sa serviette, son panier de confiseries, sa place à table, dans la voiture, sur le canapé…..
🗝 En fonction de l’âge de nos enfants et de leurs habiletés, il est possible de leur confier des responsabilités pour que chacun ait l’impression de contribuer à sa façon au bien-être familial.
Les enfants ayant généralement un sens de la justice plutôt aiguisé, il s’avère que les disputes sont moins fréquentes dans les familles où le partage est bien établi, qu’il s’agisse des jouets, des responsabilités ou des tâches.
🗝 A la maison et lors des sorties avec nos enfants, il est primordial d’établir des règles de bonne conduite.
Ces règles permettent de définir un cadre rassurant pour eux dans lequel ils peuvent se projeter et être plus enclin à coopérer. Et nous, elles nous servent en cas de tension, pour rappeler avec fermeté et bienveillance ce cadre, sans avoir à négocier ou à prendre parti. Pour ce faire, notre communication doit être claire, précise et respectueuse afin que les règles puissent être respectées par tous.
🗝 Il peut être intéressant d’instaurer un conseil de famille périodiquement pour échanger sur des problématiques, régler ensemble des situations ou prendre des décisions.
En fonction de l’âge de nos enfants, la gestion du tour de rôle pour la console peut être un très bon exemple.
🗝 L’important est de leur permettre d’avoir des querelles.
On ne peut pas leur demander de s’entendre sur tout et tout le temps. Cela ne ferait que renforcer les tensions entre eux et à force de contenir leurs émotions ils pourraient basculer dans la violence.
Que faire quand il y a des frictions dans la fratrie ?
Ce n’est pas simple de savoir réguler son émotion, gérer un conflit, écouter l’autre et faire preuve d’empathie quand on est enfant. Le développement de ces compétences demande du temps. A notre niveau, on peut néanmoins donner un petit coup de pouce à la nature en guidant nos enfants au quotidien.
🗝 Notre rôle est de leur apprendre à résoudre leurs différends entre eux.
Pour cela, on peut leur suggérer d’utiliser la méthode 1-2-3 qui consiste dans un premier temps à prendre conscience si la situation est tolérable ou dérangeante. Si elle est acceptable, notre enfant peut s’éloigner ou ignorer l’autre. Si elle est gênante :
1- Il demande POLIMENT à l’autre d’arrêter. Si son frère ou sa sœur continue…
2- Il prend une posture ferme et demande à nouveau d’arrêter, sans crier et sans être agressif. Si l’autre continue malgré tout…
3- Il peut alors venir nous voir et demander notre intervention.
L’idée est d’attendre de voir s’ils arrivent à trouver eux-mêmes une solution.
Quand l’un de nos enfants demande notre intervention, notre premier réflexe est de vérifier s’il est passé par l’étape 1 et 2. Si ce n’est pas le cas, il n’est pas question d’intervenir, à moins qu’il y ait eu un geste de violence, des paroles blessantes ou qu’il y ait un risque de blessure. On peut dans ce cas lâcher une phrase du genre « Personne ne fait de mal à personne. Je ferai toujours de mon mieux pour vous empêcher de vous faire du mal l’un et l’autre. »
🗝 Au moment d’intervenir, il est primordial de garder au maximum notre self-control pour agir le plus efficacement possible.
La façon dont on procède n’est ni plus ni moins qu’un modèle pour nos enfants. Si on crie, si on menace ou si on use de violence, on leur inculque inconsciemment d’utiliser la force pour résoudre les conflits.
Si besoin, on peut prévenir nos enfants que l’on va s’en mêler d’ici 1 minute ou 2 maximum, le temps de nous mettre en condition, en prenant 2 ou 3 grandes respirations profondes ou en prenant l’air frais par la fenêtre, par exemple.
🗝 Dans les situations classiques, notre intervention peut consister simplement à écouter les faits, sans prendre parti, et à inciter nos enfants à trouver un terrain d’entente pour éviter que la situation ne se reproduise.
Par exemple, on peut dire « Vous avez un problème. Quelle solution satisfaisante pour vous deux pouvez-vous trouver ? Réfléchissez-y et parlez-en ensemble, vous allez bien finir par trouver une solution. Je vous fait confiance ».
🗝 Dans le cas où l’ambiance s’échauffe ou vire à la bagarre, on doit rester neutre et leur demander de se séparer puis de prendre quelques instants pour réfléchir, chacun de leur côté, à une solution gagnant-gagnant.
Pour leur montrer que l’on ne cautionne pas la violence on peut leur dire en les séparant quelque chose comme « Je ne veux pas de violence à la maison. Vous savez vous exprimer donc faites-le sans recourir à la force », « Je n’aime pas ce que je viens de voir/ t’entendre. Si une chose t’énerve, exprime-toi d’une autre façon. »
🗝 S’ils ne trouvent pas de solution satisfaisante, on peut alors jouer le rôle de médiateur en commençant par écouter les reproches de chacun, sans juger, ni prendre parti.
🗝 Ensuite, on peut les aider à explorer de nouvelles solutions en leur laissant choisir la meilleure.
Grâce à ces entrainements, ils apprennent petit à petit à mieux communiquer entre eux et nous sollicitent de moins en moins.
Quand les émotions s’en mêlent, il est important de les prendre en compte !
Prenez soin de vous et de votre famille.
